Capital magazine
Par Christophe David, éditions papier et web du 19 juin 2020.
Les fermes urbaines ont plein de vertus : rapprocher les citadins de la terre, raccourcir le circuit du producteur au consommateur et contribuer à faire baisser la température en ville. Oui mais voilà, elles sont rarement rentables. A moins de cultiver une plante à très forte valeur ajoutée.
C’est le projet d’Amela, Louise, Philippine et Bérengère, les quatre sœurs fondatrices à Paris des Bien Elevées. Leur spécialité : le safran, l’épice la plus chère au monde, importée à 90% d’Iran et qu’elles vendent entre 42 et 45 euros le gramme (0,1 gramme suffit pour un plat). La culture du Crocus sativus, dont on l’extrait, est en effet parfaitement adaptée aux toits des immeubles : elle exige peu d’irrigation, pas de produit chimique, peu de logistique ni de grandes surfaces (350 à 750 mètres carrés). C’est ainsi qu’en 2017, dans le cadre de l’appel à projet Parisculteurs, Amela du Bessey a convaincu un magasin Monoprix du XIIIe arrondissement de mettre à disposition son toit pour lancer la production.
Aujourd’hui, les Bien Elevées occupent cinq sites en région parisienne et ont récolté 700 grammes lors de la dernière cueillette en octobre. Un volume encore modeste mais appelé à croître : “Nous espérons ouvrir 2 à 3 terrasses chaque année, d’abord à Lyon puis dans d’autres grandes villes”, explique Amela de Bessey, ex-consultante dans la distribution. Son idée est aussi de fédérer les petits producteurs français (ils sortent moins de 100 kg par an) autour d’une marque commune. Car côté débouchés, Les Bien Elevées ont déjà de prestigieux clients : des pâtissiers et glaciers, des chefs, dont celui, étoilé, de Lucas Carton, les épiceries fines, où le safran est vendu brut ou en sablés. Nos quatre sœurs ont aussi noué des partenariats pour valoriser les fleurs dans des savons, bougies, en teinture végétale ou pour en extraire les actifs anti-âge.
La dimension sociale n’est pas oubliée. La start-up organise des ateliers pédagogiques (dont certains payants) avec les résidents là où elle s’implante. “Pour un magasin, c’est générateur de trafic, c’est une histoire à raconter”, explique Amela. Notamment au moment de la récolte, un travail de bénédictin qui exige beaucoup de main-d’œuvre. Ça tombe bien, l’on trouve beaucoup de bénévoles intéressés pour participer à des ateliers dégustation en échange de leurs bras. Grâce à quoi les reines du safran parisien espèrent aboutir à un modèle rentable en 2023.